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5 questions à Denis Bajram à l’occasion de sa conférence au festival bd BOUM de Blois

Nous vous en avions parlé, la vingt-huitième édition du festival bd BOUM fut une belle réussite. Parmi les diverses expositions, tables rondes, concerts, séances de dédicaces, nous avons eu la chance d’assister à la conférence graphique de Denis Bajram.

Face au succès et au public nombreux, nous eûmes du mal à réaliser une petite interview de l’auteur de UW1. Or c’était important pour nous, puisqu’il conçoit ses albums entièrement sur ordinateur. Pionnier dans cette discipline, le dessinateur de Trois Christ aime expliquer cette manière de travailler qui intrigue beaucoup le grand public.

Bajram 2011 Blois Interview
Illustration réalisée à l’occasion de Festival bd BOUM de Blois 2011 par Denis Bajram /  ©Denis Bajram

D’ailleurs depuis 2005, il remplace la classique séance de dédicace par un atelier ponctué par la réalisation, en direct, d’une illustration, et saupoudré d’un franc dialogue avec le public, tant sur ses albums que sur la bande dessinée, ou la création en général.

Pour ceux qui ont manqué ça, nous avons posé quelques questions à Denis, en vous invitant à guetter sur son site les infos pour la prochaine session.

EspritBD : Les multiples possibilités de la conception sur ordinateur ont-elles influées ta façon de « penser » la bd, de la concevoir ?
Denis Bajram : Oui et non. Le plus grand changement est dans la méthode de travail. En traditionnel, on faisait son brouillon de page sur une feuille volante, puis un crayonné sur son beau papier, qu’on encrait méticuleusement ensuite. Cette planche était reproduite sur un « gris » sur lequel on faisait la couleur. Le tout était enfin reproduit en album. C’était un métier qui était donc découpé en étapes très précises et très disjointes. Avec l’ordinateur, je passe du croquis de départ à la planche en couleur dans une sorte de flux continu. Il arrive que des traits du tout premier croquis se retrouvent ainsi dans l’album final. Et surtout, à tout moment, je peux corriger ce que j’ai fait auparavant très facilement. En fait, on est passé d’un art en tranches à un art en création continue.

EspritBD : Après plusieurs années de travail sur palettes et outils numériques, comment vois tu l’avenir de la BD, notamment sous sa forme numérique ?
D.Bajram : Côté créatif, on sent que le numérique est en train de devenir incontournable. Après la couleur, il grignote de plus en plus le dessin. C’est tellement vrai que chez certain des premiers auteurs à avoir basculé, on assiste à une envie de retour au traditionnel, signe d’une normalisation de l’informatique. Côté édition, c’est encore difficile à dire. Aux USA, la vente de romans est en train de basculer majoritairement vers la lecture numérique. Mais les Comics semble résister sur le papier pour l’instant. En France, on en est au balbutiement de la diffusion numérique… J’espère juste que les éditeurs de BD comprendront mieux les enjeux de l’Internet que les majors du disque par le passé. Autrement, nous aussi connaîtrons une catastrophe économique.

EspritBD : Penses-tu que l’intégration de fonctionnalités multimédias nouvelles (interactivité, vidéo, animations) peut modifier l’expérience de lecture, et par là le processus créatif ? En quoi ?
D.Bajram : Je suis en fait totalement contre. La Bande Dessinée est un art très sophistiqué, au fonctionnement narratif déjà très complexe. L’hybrider avec d’autres arts ne revient qu’à en perturber la grammaire interne. On est déjà assez envahi par les complexes des auteurs vis à vis de la littérature, de la peinture, du dessin et du cinéma pour ne pas avoir à injecter de nouvelles doses de confusion dans ce pauvre 9e Art. De l’animation partielle dans une BD ? Autant regarder un vrai dessin animé. De l’interactivité ? Autant faire un vrai jeu video. De fait, proposer éventuellement une couche « making of » ou « reportage », accessible par dessus la lecture, pourquoi pas. Mais j’aime la BD pour ce qu’elle est. Après, libre à chacun d’inventer l’Art Total qui réunira tous les autres, mais ce ne sera plus de la bande dessinée…

EspritBD : Tu as fait une expérience avant-gardiste en web en installant des caméras dans ton atelier, 10 ans après, qu’en retires-tu ? Fut-ce utile pour ton travail, ton expérience professionnelle, ou plus « ludique » qu’autre chose ?
D.Bajram : C’était vers 1998 qu’on avait commencé ça avec Valérie Mangin. Internet était un espace bien différent que celui d’aujourd’hui, plus intime pourrait-on dire. Cette caméra, c’était plus un gag de geek qu’une idée sérieuse. Je ne le ferais plus aujourd’hui, ces technologies sont devenues tellement intrusives au quotidien qu’on a plutôt envie de les fuir. Bon, je dis ça, je serai sans doute le premier à retransmettre une holographie en direct depuis mon atelier dès que ce sera possible :-)

EspritBD : À Blois, tu as mené un atelier où tu réalisais une illustration sous palette graphique et expliquais ta démarche. Atelier qui a connu un certain succès ! As tu vu une évolution de l’intérêt porté à la bande dessinée numérique, chez les lecteurs ou les auteurs ?
D.Bajram : Dès ma première conférence sur le sujet, en 2005, j’ai senti un énorme intérêt de la part d’un vaste public. Il y a bien sûr tous ceux qui sont curieux de comprendre comment on peut bien arriver à faire de la BD avec son Photoshop et sa tablette graphique. Mais, surtout, il y le fait que, pendant ces conférences ou démonstrations, tous peuvent voir sur un grand écran le dessin se faire en direct. Et ce geste du dessinateur fascine toujours, c’est comme une sorte de merveilleux tour de magie !

Bajram 2008 Blois Interview
Illustration réalisée lors du festival bd BOUM de Blois 2008 par Denis Bajram / ©Denis Bajram

Si vous appréciez cette démarche, vous pouvez consulter d’autres illustrations réalisée en Live. Je vous invite également à faire un tour sur son site, qui recèle pas mal de surprises.

Mais ça ne s’arrête pas là !, car le dessinateur de Cryozone est aussi concepteur web – vous pouvez retrouver ses softwares à cette adresse -. D’autre part, avec sa compagne Valérie Mangin, ils se sont lancés dans l’aventure éditoriale. Aux cotés de Corinne Bertrand et des éditions Soleil, ils ont créé le label Quadrant solaire ; devenu Quadrants en 2007, qui a depuis pris son indépendance.

Ne partez pas sans faire un saut sur Mangin.tv, le site de la scénariste du Fléaux des dieux, de Trois Christ et bien d’autres…

Quelques images, prises au vol, de cet atelier, se sont glissées dans la vidéo que nous avons réalisé sur cet évènement :


bd BOUM Blois 2011 par EspritBD.fr par Esprit-BD

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